François Anquetil un homme serein qui croit à l’entreprenariat – la distribution c’est dans son ADN

18 juillet 2016 

Line Goyette

François Anquetil? Tu n’arriveras pas à l’assoir pour une entrevue, c’est un homme terriblement occupé, très organisé, orienté sur les résultats. Pourtant, notre discussion entre francophones aurait pu se dérouler autour d’un ballon de rouge tellement l’homme, président de Sonepar Canada et du conseil d’administration de l’ÉFC est convivial et heureux de partager sa vision de l’industrie. 

D’emblée j’ai abordé la question du temps. « Oui, je suis organisé et orienté sur les résultats, c’est un choix de gestion. Nous avons 2 000 collaborateurs au Canada, 105 succursales, cinq grandes divisions, 5 comités exécutifs, plus d’une douzaine de personnes qui se rapportent directement à moi et j’essaie de rencontrer tous les autres niveaux organisationnels(ventes, logistique, marketing, etc.) pour entrer un peu plus dans les détails, discuter des idées de la relève, les défis du commerce de détail. Je me déplace donc énormément. Je fais attention à mon temps, mais il y a toujours place à l’improvisation. J’aime le concept du bureau à portes ouvertes.» 

Les défis les plus stimulants et les autres

Diplômé de la SKEMA Business School de Lille en France, son pays d’origine, toute sa carrière s’est déroulée au sein de Sonepar et de la distribution électrique.  Des défis, il en a vu passer. Quels sont ceux qui se sont avérés les plus stimulants et ceux qui ont été les plus difficiles? 

Après réflexion, il en relève cinq. « Je dirais en premier qu’ouvrir une nouvelle succursale c’est un défi stimulant, mais on peut tomber sur des marchés difficiles. Il faut être patient, savoir capitaliser sur la qualité des employés. La maturité peut prendre de 5 à 7 ans, mais la croissance organique c’est très motivant. » Le deuxième défi dont il nous parlera est celui de l’intégration des acquisitions. « Lorsque nous faisons l’acquisition d’entreprises plus petites que la nôtre, le défi est de les joindre à nous tout en maintenant leur culture. Il y aura immanquablement des changements opérationnels à apporter, mais préserver la culture d’origine, la flamme de départ est essentiel. Je suis un chaud partisan de la décentralisation, les décisions doivent rester locales pour servir chaque marché. » Le troisième défi est celui de la gestion des changements technologiques dans les entrepôts centraux. « Automatiser ou robotiser un entrepôt central ne se fait pas sans changer la façon dont les gens pensent leur travail, les flux de commandes, etc. Moderniser est très complexe et les risques sont grands. Les interfaces informatiques sont complexes et la formation est un immense défi. Un projet d’automatisation ou robotisation d’un entrepôt peut apporter une année complète de transpiration, » dit-il en riant, « mais il faut prévoir et éviter tous les risques et assurer la transition entre les deux systèmes. » Il poursuit et parle du défi particulier de la gestion d’une entreprise qui s’étend géographiquement d’un océan à l’autre. « Gérer les sociétés à distance c’est excitant, mais c’est aussi tout un défi. Il faut faire confiance et savoir voyager. Au Canada les distances sont grandes et les décalages horaires importants d’un bout à l’autre du pays. Il faut toutefois continuer la croissance de l’entreprise, remplacer les départs à la retraite. Recruter des talents est un défi important non seulement pour moi, mais pour l’ensemble de l’industrie. La taille de notre pays peut représenter un obstacle dans le recrutement de nouveaux talents. Dans l’Ouest canadien par exemple, le problème est plus grand parce que le boom pétrolier est allé chercher les talents. On doit bien avouer aussi que la distribution professionnelle c’est moins sexy que la distribution au détail. Nous devons donc soigner notre marque, c’est une marque technique, mais nous avons l’avantage d’évoluer dans un domaine où l’agilité est très importante. Il faut rester près des clients et de leurs besoins. Pour les gens qui aspirent à être entrepreneurs, les opportunités de carrière sont plus importantes que dans la fabrication. Des gens sans aucun background ou sans un diplôme d’ingénieur ont accès à des opportunités managériales de taille et peuvent développer une proximité valorisante entre les clients et les fournisseurs qui créera la valeur ajoutée. Nous sommes tout le contraire du taylorisme. » 

Les technologies qui auront un impact sur notre industrie

Nous poursuivons notre échange en parlant des technologies qui selon François Anquetil auront un impact sur notre industrie. Pour lui, il n’y a aucun doute que le e-commerce et la numérisation vont modifier la distribution et l’avenir selon lui appartient au distributeur omnichannel. « La numérisation arrive rapidement et il faudra y répondre avec un système intégré. Notre plate-forme doit être synchronisée avec celle du client, l’appareil mobile ou le webshop. On dit qu’aujourd’hui le e-commerce c’est 8 % et dans cinq ans ce sera 25 %. Il faut être prêt. Une autre technologie susceptible d’avoir un impact sur notre industrie est la spécialisation de produits, nous devrons de plus en plus vendre des solutions, et ce, autant dans les contrôles industriels que les systèmes d’éclairage. La révolution DEL nous a amenés à créer le spécialiste éclairage et ce phénomène va en s’accélérant. Puis, il faut surveiller l’évolution de l’analytique. Pour le moment, nous exploitons très peu les données que nous avons. Avec ces données qui viennent de l’IdO et le cloud, le marketing pourrait être plus créatif, on pourrait analyser les besoins de nos clients et aller à leur rencontre. »  

… et les enjeux de notre industrie 

« L’économie canadienne est dépendante du secteur énergétique et de celui des mines et ressources naturelles. Notre dollar fluctue beaucoup et continuera de le faire sur des cycles plus longs. On doit s’y préparer en travaillant sur la différentiation et la valeur ajoutée pour enfin sortir de l’enfer du prix le plus bas. Notre industrie doit également recruter de nouveaux talents, c’est nécessaire non seulement pour des raisons démographiques, mais aussi pour pousser l’innovation. » 

J’enchaîne en lui demandant s’il y a une chose qu’il aimerait changer dans notre industrie s’il le pouvait. « Pas vraiment, même si nous avons des lacunes au niveau de l’innovation. Jamais je n’aurais pensé faire toute ma carrière dans la distribution électrique et pourtant! Je crois que nous avons fondamentalement un ADN d’entrepreneur dans la distribution. Chaque directeur de succursale a le pouvoir d’établir sa stratégie, de tisser un lien de proximité avec les clients et de développer ses habiletés managériales. C’est un monde vraiment stimulant. »

Passionné par son travail, les projets de croissance, férus de connaissances technologiques, arrive-t-il à trouver une balance entre sa vie privée et professionnelle. Il part d’un grand éclat de rire et me dit, « ça n’existe pas, c’est un mythe et il faut l’accepter. Il faut avoir la passion pour ce qu’on fait parce qu’on voyage beaucoup, c’est très exigeant physiquement. Il n’y a pas de balance, mais il faut établir des règles et pour moi c’est de préserver mes weekends pour ma famille, » dit ce père de trois grands enfants de 25, 22 et 17 ans. 

On ne naît pas président de l’ÉFC, on le devient et peut-être qu’on le reste

Au printemps dernier, François Anquetil a également été nommé président du conseil d’administration de l’ÉFC. N’est-ce pas beaucoup? «  L’ÉFC a une équipe de professionnels compétente. La présidence de l’association n’est pas une tâche quotidienne, c’est un travail d’influence. Le président a 12 mois pour relever son défi qui est inscrit dans un plan de 5 ans. Il faut poursuivre les idées de nos prédécesseurs et apporter notre contribution. Je me sens très interpellé par le Product Information Management ou la gestion de l’information produit. Centraliser les connaissances, travailler sur la spécificité des produits canadiens, avoir des informations fiables et à jour confirmées par les fabricants canadiens et adoptées par IDEA est le défi que j’aimerais relever pendant mon mandat à l’ÉFC qui est un endroit privilégié pour discuter entre les fabricants de sujets techniques sans que la concurrence ne pose problème. Le RJP m’interpelle également et je me réjouis de son succès immédiat. » 

Je termine l’entretien en lui demandant quelle est ou a été sa source d’inspiration pour sa carrière. « Je dirais que Steve Job m’a beaucoup impressionné avec sa capacité à anticiper les besoins du client, certains hommes politiques m’ont aussi impressionné, mais dans le domaine des affaires, c’est le fondateur du Groupe Sonepar, Henri Coisne, qui m’a le plus inspiré. Il a prix de gros risques dans les années 60, il était capable de le faire et j’ai hérité de cette culture et j’en ai fait ma devise en quelque sorte. Il faut être capable de prendre des risques, ce qui compte, c’est ce qui dure, mais pour durer il faut savoir s’adapter. »


Line Goyette est directrice de la rédaction de Le monde de l’électricité en ligne 

 

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